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Retour sur la Master Class de l’École de droit 2024

École de droit
Retour sur la Master Class de l’École de droit 2024
Photo des participants de la master class 2024 de l'École de droit
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Les participants ont plaidé un cas réel rejugé en appel sous forme de « mock Court »

Le lundi 4 mars 2024 s’est tenue, dans un amphithéâtre très rempli, la nouvelle Master Class de l’École de droit de l’université Paris-Panthéon-Assas, co-organisée avec l’Institut d’Études Judiciaires Pierre Raynaud. Cet événement a permis à trois élèves de première et de seconde année de l’École de revêtir la robe et de plaider, aux côtés d’un avocat à la Cour et de leur directeur, un cas réel rejugé en appel sous forme de « mock Court », devant un public composé d’étudiants de toutes les années de licence-Master, de professeurs et de nombreux professionnels du droit. Ce public, diversifié, a pris part au délibéré avec les membres de la Cour, composée d’un magistrat et de deux avocats à la Cour.

L’affaire portait sur la publicité de boissons alcooliques dans le contexte de la fin de la pandémie due au virus qui a bouleversé la planète. Une association dont l’objet est de lutter contre l’alcoolisme, a fait constater par huissier en juin 2021 l’apposition dans Paris d’affiches faisant la promotion d’une boisson alcoolisée. Cette publicité fut reprise sur le compte Twitter de l’agence publicitaire l’ayant réalisée, et sur un site Internet. L’association a principalement cité l’annonceur devant le tribunal correctionnel, l’agence publicitaire, qui a aidé à la conception de la publicité, pour obtenir leur condamnation du chef de publicité illégale en faveur d’une boisson alcoolique. L’annonceur a été placé en liquidation judiciaire, faisant obstacle à la mise en œuvre de l’action publique à son encontre. L’agence a été reconnue par le Tribunal judiciaire de Paris coupable de complicité de l’infraction en cause et condamnée à 5.000 euros d’amende avec sursis et à payer 7.500 euros à l’Association, au titre des dommages-intérêts.

La Master class est l’appel projeté (« pre-trial ») de ce jugement de première instance, pour tester les arguments invoqués par les parties et tenter de deviner l’issue du procès. Il a ici été convenu que l’appel était formé à titre principal par la prévenue, représentée par Maître Cyril BONAN (cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, parrain de l’École) et Camille GUILLOIS (élève de seconde année de l’École de droit) ; et à titre incident par l’Association, ici représentée par Marguerite BAUDRY (élève de première année) et Adèle DEKKER (élève de seconde année). L’action publique était portée par le Professeur Pierre-Yves GAUTIER (directeur de l’École de droit). Tous ont plaidé successivement avec la même vigueur devant la Cour, présidée par Malik CHAPUIS (juge au Tribunal judiciaire de Paris), assisté de Me Jean-Daniel BRETZNER (associé du cabinet Bredin Prat, parrain de l’École) et de Me Myrtille MELLET (cabinet Myrtille Mellet).

Les avocats de la partie civile ont d’abord insisté sur le caractère illicite de la publicité en cause, tant sur la forme (emploi de la langue anglaise, affichage sauvage, communication sur un site destiné à la jeunesse) que sur le fond (caractère incitatif de la publicité). Puis, dans la seconde partie de la plaidoirie, ils se sont essayés à démontrer le caractère non-intentionnel de l’infraction et caractériser la complicité de l’agence.
Les avocats de l’appelante, prévenue, se sont concentrés sur la disqualification de sa complicité – pourtant citée originellement comme co-auteur – et du caractère innovant de la publicité, spécificité de l’agence. Ils ont également mis en exergue les difficultés liées au fait que l’auteur principal, ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, n’a pu être entendu. Ils ont contesté le caractère incitatif de la publicité, en invoquant le respect des mentions obligatoires prescrites par la loi. Enfin, la défense a reproché à la partie civile de retenir une forme de complicité conceptuelle voire intellectuelle, sans définir matériellement l’assistance qui aurait été apportée.
Quant au ministère public, il a rappelé le principe selon lequel les délits sont, sauf prévision légale contraire, intentionnels. Il a noté le caractère séduisant des anglicismes utilisés, à destination de la jeunesse ; toutefois, il a appelé à prendre en compte les circonstances (sortie pour tout le monde de la période cauchemardesque du virus et des mesures étatiques, draconiennes) et la personnalité de la prévenue, en citant l’École de la défense sociale nouvelle. Il a enfin suggéré – et non requis, n’étant pas appelant – une diminution de peine et des dommages-intérêts.

À l’issue de ces plaidoiries, les conseils des parties et l’avocat général ont quitté la salle d’audience pour permettre des échanges entre la Cour et le public, à l’occasion du délibéré. La Cour a discuté du caractère contradictoire des débats et du fait que la prévenue, citée comme co-auteur, a été jugée en tant que complice, sans pouvoir discuter sur ce point (ce changement ayant eu lieu au cours du délibéré du premier jugement). Des membres de l’assistance, « conseillers d’un jour », ont évoqué les principes fondamentaux de la contradiction et du double degré de juridiction en matière pénale. Alors que le public a largement voté en faveur de la relaxe, particulièrement pour cette raison, la Cour et celui-ci ont continué de discuter de l’élément matériel et moral de l’infraction. Au regard de l’élément matériel, si certains s’attachaient aux missions   définies par le contrat conclu entre le client et l’agence, d’autres ont soutenu que le droit pénal, autonome, doit s’en tenir aux missions effectivement réalisées par l’agence publicitaire. Encore, certains ont soulevé la question de la postériorité d’un re-tweet, qui ne permettrait pas de satisfaire à l’exigence d’antériorité pour qualifier la complicité ; tandis que d’autres ont soutenu qu’il permet de rapporter la preuve d’une assistance antérieure. S’agissant de l’élément moral, qui avait fait l’objet d’une dialectique serrée entre le ministère Public, la défense et la partie civile, il a été souligné par la Cour et le public que doivent être distinguées l’intention et la preuve de celle-ci, parfois présumée.

C’est dans ces conditions que la Cour, dans sa « formation plénière », a voté la relaxe de l’agence, en cause d’appel.

La master class 2024 en images

Photo des participants de la master class 2024 de l'École de droit

Photo des participants de la master class 2024 de l'École de droit

Photo des participants de la master class 2024 de l'École de droit

Photo des participants de la master class 2024 de l'École de droit

Compte-rendu rédigé par Noé CHAUVAUX-PINTIAUX, élève de première année de l’École de droit.
Crédit photo : Anaïs GUILLEMET, élève de seconde année de l’École de droit.