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Accueil - Recherche - Soutenances de Theses - Les situations triangulaires internationales en présence d'un établissement stable.

Les situations triangulaires internationales en présence d'un établissement stable.

Docteur :Raphael COIN
Date de la soutenance :15 Septembre 2016
Horaires :15H
Adresse :Salle des Actes (Esc.J) - 3ème étage - 12, place du Panthéon - 75005 PARIS
Discipline :Droit
Ajouter au Calendrier 09/15/2016 15:00 09/15/2016 17:30 Europe/Paris Les situations triangulaires internationales en présence d'un établissement stable. L’objet de cette thèse est de proposer un régime fiscal applicable à l’imposition des revenus passifs dans les situations triangulaires internationales, que ce régime soit issu d’une analyse constructive des normes internationales en vigueur, ou qu’il nous amène à prévoir des évolutions possibles d...
Adresse :Salle des Actes (Esc.J) - 3ème étage - 12, place du Panthéon - 75005 PARIS
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Jury :

Monsieur Jean-Pierre LE GALL - Professeur  émérite d'université  (Université Paris 2), directeur de thèse

Monsieur Olivier DEBAT - Professeur des Universités (Université de La Rochelle), rapporteur

Monsieur Olivier NEGRIN - Professeur des Universités, rapporteur

Monsieur Martin COLLET - Professeur des Universités (université Paris 2)

Monsieur Benoît DELAUNAY - Professeur des Universités (université Paris 2)

Monsieur Nicolas MELOT - Maître de Conférences (HDR - Université de Rennes)

L’objet de cette thèse est de proposer un régime fiscal applicable à l’imposition des revenus passifs dans les situations triangulaires internationales, que ce régime soit issu d’une analyse constructive des normes internationales en vigueur, ou qu’il nous amène à prévoir des évolutions possibles de ces normes. Pour ce projet, le cadre des conventions fiscales conformes au Modèle de convention fiscale proposé par l’OCDE constitue nécessairement un point de départ de la réflexion.

Au niveau international, le sujet est connu sans être parfaitement maitrisé en raison des travaux de l’OCDE effectués, sur ce sujet, dans le cadre de son étude intitulée « Cas triangulaires » adoptée par le conseil de l’OCDE le 23 juillet 1992. L’Organisation identifie deux types de situations triangulaires :

  • les situations dans lesquelles une société résidente d’au moins deux Etats reçoit des revenus d’un autre Etat ou verse lesdits revenus à ses actionnaires situés dans un autre Etat,
  • les situations dans lesquelles un résident d’un Etat reçoit, par l’intermédiaire d’un établissement stable situé à l’étranger, des revenus de source d’un autre Etat.

La première situation ne fait pas l’objet de notre étude mais est réglée, selon l’Organisation, par les modifications introduites dans le Modèle de convention fiscale en 2008 relatives à la notion de résidence des sociétés.

La seconde situation est celle à laquelle notre étude est dédiée. Il s’agit, selon l’OCDE, des cas où des revenus passifs (dividendes, intérêts ou redevances) :

  • ont leur source dans un Etat S ;
  • sont perçus par un établissement stable situé dans un Etat P ;
  • cet établissement stable est dépendant d'une entreprise résidente d'un Etat R[1].

Thèse Raphael Coin

Cette situation, qui représente pour nous la forme fondatrice du phénomène, est, en pratique, probablement la plus répandue. Nous la considérons donc comme une forme « primaire originelle »[2].

Ce sont les traités eux-mêmes qui sont à l’origine du phénomène en raison de l’utilisation du concept d’établissement stable. L’introduction de ce concept a abouti à créer une dichotomie entre la réalité juridique (unicité de la personne morale qui est présente à la fois dans l’Etat de son siège, mais aussi dans l’Etat de localisation de son établissement) et la réalité fiscale (présence imposable dans deux Etats). Dans une situation ordinaire, ou disons non-fiscale, la relation ne serait que bilatérale entre deux résidents de deux Etats. La notion fiscale d’établissement stable rend la situation triangulaire.

Il existe des situations triangulaires primaires qui, bien qu’identifiées à l’origine par l’OCDE, ne l’ont pas été dans le cadre d’une étude spécifique, mais plutôt indirectement au sein des commentaires du Modèle de convention fiscale lui-même. Il s’agit, en particulier, de situations dans lesquelles l’établissement stable n’est pas le bénéficiaire des revenus versés, mais l’agent payeur de ces derniers. Ce sont les situations triangulaires qui sont traditionnellement qualifiées « d’inversées » par la doctrine, la situation de l’établissement stable étant opposée à celle dans les situations triangulaires primaires originelles visées ci-dessus. Dans une telle situation, une société établie et résidente d’un Etat R qui dispose d’un établissement stable dans un Etat P verse des revenus passifs à une société localisée dans un Etat B.

Toutes les situations visées ci-avant ont été, en outre, combinées par les groupes, portant ainsi, bien au-delà des travaux existants, le besoin d’analyse et aboutissant à un système organisé de situations triangulaires que nous qualifierons de « dérivées », combinaisons de situations primaires aboutissant à des situations plus complexes « poly-angulaires » ou à la mise en évidence de sous-établissements stables.

Contrairement à l’idée souvent admise, l’élément essentiel commun à toutes ces situations n’est pas la présence de trois Etats, mais le fait que plus de deux impositions peuvent théoriquement être prélevées.

Le second élément commun est la complexité et nous montrerons que  toutes les situations qui sont analysées dans le cadre de la présente étude visent des situations pratiques complexes, dans plusieurs Etats, pour des activités généralement sophistiquées ou des activités dont les contours ne sont pas parfaitement établis.

L’incertitude du traitement fiscal provient conjointement de l’inadéquation structurelle des instruments bilatéraux disponibles à résoudre des problèmes par nature multilatéraux et de la non-reconnaissance du statut de résident fiscal à l’établissement stable.

Notre première partie sera donc consacrée aux situations triangulaires « passives » ou « subies » pour lesquelles l’incertitude du traitement fiscal nécessite des évolutions du système en place car la double imposition et l’incertitude sont un frein au développement économique. Ces situations ont été mises en place par les groupes pour des motivations non principalement fiscales. Notre opinion est que la reconnaissance de la résidence de l’établissement stable permettrait de résoudre la difficulté mais que cette reconnaissance n’est pas établie pour le moment.

Notre seconde partie sera consacrée à analyser des situations triangulaires « actives » ou « choisies » qui peuvent être propices à la mise en place de structures fiscalement « avantageuses ».  Elles sont choisies par les groupes ou par les autorités fiscales en raison de cette composante fiscale.

Choisies par les groupes, ce sont des situations triangulaires que l’OCDE présume inacceptables et qui manifestent, de manière quasi systématique selon l’Organisation, une tentative de mise en place d’opérations de « treaty shopping » ou « d’optimisation fiscale massive », comme par exemple, l’interposition d’un établissement stable dans un Etat à faible fiscalité. Pour répondre à ces situations, il nous semble qu’une évolution vers des règles de CFC généralisées et harmonisées constituerait une réponse adaptée à la question à condition que celles-ci prennent en compte l’imposition globale des structures et l’élimination ou non de la double imposition. Cette évolution pourrait être conjointe à celle de l’établissement de clauses conventionnelles spécifiques, à l’instar de la politique fiscale menée par les Etats-Unis dans ce domaine et systématiquement incluse dans les conventions fiscales mises en place par ce pays.

Mais les situations triangulaires actives peuvent aussi être la conséquence de l’action des autorités, ce qui constitue un paradoxe de notre sujet. Les Etats deviennent alors les promoteurs de situations triangulaires qui sont utilisées comme des armes contre l’optimisation fiscale industrialisée mise en place, par exemple, par des groupes exerçants une activité dans le secteur du digital. Ces situations sont celles dans lesquelles un établissement stable n’est pas déclaré ou que la base fiscale est repartie d’une manière inacceptable entre les Etats en présence au sein d’une situation triangulaire révélée.

Nous constaterons l’échec partiel des normes proposées par l’OCDE y compris dans ses travaux les plus récents issus de l’initiative BEPS. L’objet de notre travail sera de proposer la mise en place de solutions qui prennent en compte l’imposition globale des structures en tant que mesure de la volonté d’optimisation fiscale ou non des groupes. Nous constaterons aussi une évolution politique du débat et la publicité généralisée qui lui est accordé.

Enfin, notre conclusion sera l’occasion de proposer des modifications du Modèle de convention fiscale de l’OCDE.


[1] Modèle de convention fiscale : « Cas triangulaires », adopté par le Conseil de l’OCDE le 23 juillet 1992.

[2] Ou « classique » selon l’OCDE. Modèle de convention fiscale : « Cas triangulaires », adopté par le Conseil de l’OCDE le 23 juillet 1992.