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Entretien avec une doctorante championne de kendo

Vie étudiante
Entretien avec une doctorante championne de kendo
Lina MAAZIZ
Temps fort: 
Découvrez le parcours de Lyna MAAZIZ, doctorante et sportive de haut niveau

Doctorante en droit public au sein du cursus droit international à l’IHEI de l’Université Panthéon-Assas et A.T.E.R.*, Lyna MAAZIZ est aussi capitaine de l’équipe de France féminine de Kendo. Le 27 mai dernier elle remportait le titre de championne d’Europe par équipe à Francfort ainsi qu’une récompense individuelle : le fighting spirit.

Rencontre avec cette sportive de haut niveau maîtrisant un art martial massivement pratiqué au pays du soleil levant.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire ?

« J’ai intégré l’Université Panthéon-Assas en septembre 2011 pour une première année de double diplôme en droits français et espagnol. Tel que le cursus était prévu, je devais étudier les deux premières années de licence à Assas, puis poursuivre la L3 et le M1 à la Universitat Autònoma de Barcelona (UAB). Après avoir obtenu le Diplôme d’Université en droit et civilisation espagnols, j’ai finalement décidé de poursuivre en Licence 3 de droit public et d’effectuer un Master 1 de droit international à Assas.

En 2015-2016 j’ai choisi de faire une année de césure pour étudier la langue et la civilisation japonaises à l’INALCO. L’année suivante, j’intégrais le Master 2 en droit international économique de l’Université Panthéon Sorbonne, sous la direction du professeur Jean-Marc SOREL. Après avoir rédigé et soutenu un mémoire portant sur le Régime et le contentieux des investissements dans l’accord de libre-échange Japon-Union Européenne, sous la direction de madame Yas BANIFATEMI, j’ai pris conscience de mon vif intérêt pour le travail de recherche. Madame Pascale MARTIN-BIDOU, maître de conférence HDR (habilitation à diriger des recherches) et directrice des études de l’IHEI, a accepté d’être ma directrice de thèse, ce dont je lui suis reconnaissante. C’est ainsi que je suis revenue à l’Université Panthéon-Assas.

J’ai commencé une thèse en automne 2017 qui porte sur la Compétence des Tribunaux arbitraux ad hoc de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (arbitrage Annexe VII). L’Université Nationale de Yokohama (YNU) m’a accueillie en séjour de recherche doctorale durant les deux premières années de ma thèse, ce qui a été une expérience très enrichissante car j’ai pu découvrir une autre culture universitaire. L’an dernier, j’ai eu l’honneur d’être recrutée en tant qu’A.T.E.R. en droit public à l’Université Panthéon-Assas, et mon contrat a été renouvelé pour l’année universitaire à venir.

Et qu’en est-il de votre parcours sportif ?

Pour mon parcours sportif, il faudrait remonter un peu plus loin dans le temps. J’ai commencé le kendo en septembre 2006 à l’âge de 12 ans, au club de Maisons-Alfort (Val de marne). Lorsque j’étais adolescente j’ai participé aux stages nationaux Jeunes de Kendo, encadrés par Romain BLACHON entraîneur de l’équipe de France Junior et son équipe d’encadrants. Grâce à mes résultats en compétition jeunes, j’ai pu intégrer le Groupe équipe de France senior dès la saison sportive 2011-2012, j’avais alors 17-18 ans et je commençais ma première année de droit.

À Assas, j’ai pu bénéficier d’un statut assimilé à celui d’athlète de haut niveau, car malheureusement les membres de l’équipe de France de kendo ne figurent pas encore sur les listes ministérielles des athlètes de haut niveau. Les chargés de travaux dirigés étaient compréhensifs, ils m’ont permis de concilier la pratique du kendo et la poursuite de mes études. J’ai été sélectionnée en équipe 1 pour disputer mon premier championnat international officiel en mai 2015. Il s’agissait des championnats du monde organisés à Tokyo, j’étais alors en M1 en droit international à Assas. Les championnats du monde ont lieu une fois tous les trois ans dans différents pays. À cette occasion, je représentais la France pour mon équipe de kendo. Pouvoir porter les couleurs de la France pour la première fois au Nippon Budokan a été une expérience incroyable. En avril 2016, avec l’équipe de France féminine, nous avons décroché le titre de championnes d’Europe à Skopje en Macédoine. En septembre 2018, j’ai participé à mon deuxième championnat du monde à Incheon en Corée du Sud. En mai 2019, avec une équipe de France féminine nouvelle génération, nous avons été vice-championnes d’Europe, à Belgrade en Serbie. La COVID-19 a entraîné l’annulation des championnats d’Europe 2020 prévus en Norvège ainsi que des championnats du monde 2021 qui devaient se tenir en France, à Paris. La déception était très grande, mais nous n’avons pas relâché nos efforts. Je suis donc très heureuse que nous ayons réussi à remporter le championnat d’Europe 2022 en catégorie équipes féminines à Francfort en mai dernier. Ce fût mon premier championnat en tant que capitaine de l’équipe féminine et je me sens fière de cette performance qui s’est révélée spectaculaire grâce à mes coéquipières. Notre esprit d’équipe s’était construit tout au long de la saison et l’expérience vécue ensemble au championnat n’a fait que le renforcer. Je suis très optimiste pour la saison à venir, bien que nous ayons encore du travail à fournir pour continuer de progresser ensemble.

Comment s'articule votre emploi du temps ? Quel temps est alloué au sport et comment celui-ci se conjugue-t-il avec votre situation de doctorante ?

Mon emploi du temps varie en fonction des différentes périodes de la saison. Les moments les plus calmes sont les mois de juillet et d'août, parce qu’il n’y a ni championnat ni stage de préparation. Je mets donc à profit cette période calme pour m'entraîner dans mon dojo et lorsque j’étais étudiante je partais au Japon un mois en séjour d'entraînement intensif. Je profite également de ces moments pour rédiger ma thèse. La période la plus intense commence en janvier et dure jusqu’à avril ou mai, en raison de la succession de tournois officiels : championnat régional, open international de Paris, compétition en Hollande, championnat de France, puis championnat d’Europe ou monde. À l’automne, il y a plusieurs compétitions amicales en France et en Europe qui sont de bonnes opportunités pour se tester et emmagasiner de l’expérience. Les stages de l’équipe de France ont lieu un weekend par mois de septembre à juin. En semaine, je m'entraîne principalement dans mon dojo le Budo XI. Jusqu’à l’obtention de mon contrat d’A.T.E.R., je m’entrainais cinq fois par semaine, toutefois depuis septembre dernier j’ai réduit à trois fois par semaine (sans compter les stages le weekend). Chaque entraînement dure 1h30 ou 2h. Je dois donc faire preuve d’organisation pour avancer sur la rédaction de ma thèse, préparer les TD et corriger les copies des étudiants. Jusqu’à présent, cela se passe très bien. J’ai de la chance d’avoir une directrice de thèse qui me soutient et qui m’encourage. Je remercie sincèrement madame MARTIN-BIDOU pour sa grande bienveillance.

Pourquoi avez-vous décidé de vous investir autant dans la pratique du Kendo ? Quelles sont les raisons qui vous ont conduites à dépasser le stade du loisir dans la pratique de ce sport ?

J’ai commencé le kendo au sein d’un club compétitif dans lequel j’ai été initiée rapidement au kendo de compétition et préparée à intégrer l’équipe de France. Grâce à mes sensei** Eric HAMOT, Philippe LABAYE et Jean-Pierre LABRU, et tous mes senpais***, notamment François ISCKIA et Alban HAMOT, j’ai pu progresser et cela a nourri mon ambition d’aller plus loin. Les stages Jeunes ont aussi joué une part importante dans mon parcours sportif. Enfin, j’ai pu côtoyer des femmes très fortes, qui m’ont inspirées et que j’ai pris comme modèles, telles qu’Aurélia BLANCHARD et Pauline STOLARZ, toutes deux anciennes capitaines de l’équipe de France de kendo et championnes multimédaillées.

Quels conseils pourriez-vous donner à d'autres étudiants ayant envie de s'investir dans le sport en parallèle de leur formation universitaire ?

De croire en eux et de se lancer à fond ! Le plus important est d’être passionné. Il faut réussir à trouver les disciplines qui nous parlent et dans lesquelles on s’épanouit pleinement, aussi bien dans le cadre du sport que des études. Bien sûr, il y a des moments difficiles au cours desquels on rencontre des obstacles et on doute de soi-même. Dans ces cas-là, l’envie est l’ingrédient qui aide à surmonter ces épreuves. Il faut avoir une motivation, j’irai même plus loin en parlant de foi quasi sans faille, qui permet de continuer à avancer coûte que coûte. Enfin, j’ajouterai qu’il est primordial de bien s’entourer. Nos amis, nos mentors, les membres de notre famille… ils jouent un rôle considérable quand on s’investit dans plusieurs carrières simultanément, carrières qui souvent génèrent du stress et de la pression. Grâce à eux, on peut s’amuser et souffler.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

Pour commencer, terminer la rédaction de ma thèse et la soutenir dans de bonnes conditions. Par la suite, j’aimerais continuer à évoluer dans le milieu universitaire, bien que les places soient chères et qu’il y ait assez peu de postes. Aussi, j’espère qu’avec l’équipe de France féminine nous conserverons notre titre de championnes d’Europe en 2023 et que nous décrocherons une médaille aux mondiaux de 2024 qui auront lieu en Italie. Nous avons une très belle équipe, qui mérite d’être au sommet. J’ai confiance en l’équipe, nous allons réaliser ces rêves. »

Merci à Lyna d'avoir pris le temps de présenter son parcours, l'Université Panthéon-Assas lui souhaite une belle carrière tant sur le plan sportif qu'académique.